FAMILLE AUDREN
Bénoni Audren est né en 1876 à Corlay, village des Côtes-du-Nord (Côtes-d’Armor), d’un père tailleur d'habits avec lequel il s’installe en région parisienne entre 1884 et 1886 .
Acte de naissance de Bénoni Audren, 17 novembre 1876
Registres paroissiaux et d'état civil de Corlay, Archives départementales des Côtes-d’Armor, 202
L’immigration bretonne a été particulièrement importante à Saint-Denis à cette époque. Au cours du XIXe siècle, les conditions de vie des paysans s'améliorent, mais la Bretagne voit un effondrement de son secteur du textile (tissage du lin et du chanvre) qui entraîne la fermeture d'usines et l'émigration de milliers de Bretons qui cherchent à améliorer leur situation. Dans les années 1860, l'ouverture de lignes de chemins de fer vers Paris est décisive. Beaucoup de Bretons tentent leur chance en région parisienne, notamment des femmes qui trouvent à se placer comme nourrices, concierges ou domestiques. En 1896, 2400 Bretons, d'origine majoritairement rurale et peu qualifiés, vivent à Saint-Denis. Ils sont originaires des Côtes-du-Nord comme Bénoni Audren. Au début du XXe siècle, près d'un tiers des Bretons installés en région parisienne vivent à Saint-Denis.
Inscriptions manuscrites : « Le groupe des ouvriers sincères rejoint à l'impasse Châteaudun près
de la gare tous les socialistes Bretons de Saint-Denis. » «Ker Roche. Ici on bouffe ben. »
Familles bretonnes devant une baraque, non datée, Archives municipales de Saint-Denis, 30 Fi 106
Le cas de Bénoni Audren est relativement exceptionnel, puisqu’il s'agit d'un provincial qui connaît la réussite à Saint-Denis, grâce au développement d’un réseau de relations familiales et amicales dans le secteur du commerce.
À leur arrivée à Saint-Denis, Bénoni et ses parents habitent rue Franklin, soit la rue parallèle à celle de l’Immeuble Clinard. Bénoni exerce alors le métier de mosaïste. Ses parents et lui déménagent en 1892 ou 1893 rue des Chaumettes, à cinq minutes à pied vers le nord. La mère de Bénoni, Eugénie née Le Gall, décède en 1893 à l’âge de 45 ans. En 1896, le père, Guillaume Audren et ses enfants habitent rue de la Briche, à proximité de la boucle de la Seine, dans un quartier très taudifié.
Bénoni aurait été pendant un temps tailleur de pierre sur le chantier du Sacré-Cœur, mais cette information provient d’un témoignage oral de son petit-fils. Un des témoins de son premier mariage, ami de Bénoni, est aussi graveur sur pierre.
Toutefois, les sources écrites ne permettent pas de le confirmer avec certitude.
Bénoni Audren est ensuite employé aux écritures, c’est-à -dire, employé de bureau. En 1901, après son service militaire, Bénoni Audren épouse Eugénie Jeanne Poujol, fille d’un marchand de charbon et d’une marchande de vin, établie au 123 rue de Paris. Ensemble ils auront une fille, Jeanne.
En 1909, il s'installe au 94 rue de Paris, probablement chez sa future seconde épouse Lucie Heim, qui est née à Saint-Denis et habite avec sa mère, commerçante. Il aura avec elle une seconde fille, Geneviève, née en 1915.
La carrière de Bénoni Audren, comme celle de beaucoup d'hommes, subit une interruption quand il est appelé sous les drapeaux pour répondre à l'ordre de mobilisation générale, en 1914. Il a alors 38 ans. Il ne combattra que quelques mois, avant d’être réformé en raison de sa condition physique, et tout particulièrement d’une bronchite tuberculeuse. Il obtiendra une pension d'invalidité de 15% en 1919, qui passera à 100% en 1925.
Fiche matricule de Bénoni Audren durant le Première guerre mondiale, n°4110, Archives de Paris, D4 R1 819
La fiche matricule correspond à la page du registre tenu par l’armée
dans lequel toute la carrière militaire d'un soldat était inscrite.
Par la suite Bénoni Audren tiendra une boutique de mercerie lingerie au 94 rue de Paris, probablement héritée de la mère de sa femme qui était commerçante à la même adresse.
La mercerie Audren apparait dans l’annuaire Bijou qui répertorie,
année par année, tous les commerces et toutes les entreprises de la ville.
Indicateur Bijou des villes de Saint-Denis, Villetaneuse, Pierrefitte, 1925-1926,
Archives municipales de Saint-Denis, 20 C 1/2
Bénoni Audren incarne la bourgeoisie commerçante du centre-ville. Ce n’est donc guère représentatif de l’immigration bretonne à Saint-Denis, qui appartient très majoritairement à la classe ouvrière.
La famille Audren achète l’Immeuble Clinard en 1922 pour 150 000 francs (soit l’équivalent de 165 000 euros si l’on tient compte de l’inflation) dont 40 000 francs payés comptant. Le prix est inférieur à celui du terrain nu acheté par les Clinard. Il y a donc eu une très forte dépréciation de la valeur de ce bien.
L'achat de cet immeuble apparaît comme un placement puisque la famille n’habite pas l’immeuble au départ. Tant qu’ils sont en activité, ils continuent probablement de loger au-dessus de leur boutique, située au 94 rue de Paris. C’est à partir du recensement général de la population de 1931 que l’on sait que Jeanne Audren, première fille de Bénoni et vendeuse dans la boutique familiale, habite l’Immeuble Clinard avec son mari André Bachot qui décède, quelques années plus tard, du tétanos qu’il contracte en se piquant dans un jardin.
Les noms de Jeanne Audren et André Bachot sont présents (lignes 5 et 6)
sur cet extrait du Recensement Général de la Population de l’Immeuble Clinard,
1931, Archives municipales de Saint-Denis, 1F32
Jeanne habitera l'immeuble jusqu'en 1954 au moins, avec ses deux filles, Monique et Marie-Louise.
Les noms de Jeanne Bachot et de ses filles sont présents (lignes 5 et 6) sur cet extrait du Recensement Général de la Population de l’Immeuble Clinard, 1954, Archives municipales de Saint-Denis
Après le décès de Bénoni Audren en 1954, sa veuve et ses deux filles héritent de l'immeuble, qu'elles vendent à la découpe. Bien que la famille conserve quelques appartements, cela marque la fin d'une époque.
La famille Audren a possédé l’Immeuble Clinard pendant 32 ans.
Pour en apprendre plus sur l’histoire de cette famille, nous nous sommes posé des questions et nous avons formulé des hypothèses. La recherche dans les archives nous a permis de trouver certaines réponses.